(Genève, 28 juin 2018) - Aujourd’hui, devant le Conseil des Droits de l’Homme des Nations unies à Genève, à l’occasion de son Examen Périodique Universel en matière de Droits de l’Homme, la France s’est, une fois encore, officiellement engagée à prendre les mesures nécessaires pour mettre un terme à la pratique discriminatoire et humiliante des contrôles au faciès. Les organisations signataires incitent les pouvoirs publics français à saisir cette opportunité pour, enfin, impulser une politique publique qui constituerait un réel progrès concernant cette pratique omniprésente.
Les pouvoirs publics français s’étaient, en juin 2013, déjà engagées dans ce sens devant ce même Conseil des droits de l’Homme. Cependant, les années qui ont suivi ce premier engagement ont été marquées par un échec patent à instaurer une législation qui prohiberait ces pratiques, et, dans cette attente, de mécanismes permettant d’évaluer leur ampleur.
La persistance de ces pratiques est démontrée, notamment par une enquête nationale publiée par le Défenseur des droits en janvier 2017. Ces contrôles d’identité et fouilles discriminatoires n’ont eu de cesse de se multiplier, et ce avec des effets dévastateurs. La Commission nationale consultative des droits de l’homme a récemment publié un avis sur ces pratiques, les définissant comme un « abcès de fixation des tensions police-population ». [1]
Essayant de sauver les apparences devant les Nations unies, les autorités françaises assurent avoir « intensifié les efforts » pour répondre à ce phénomène. Pourtant, les organisations signataires constatent par ailleurs qu’aucune mesure prise ces dernières années par le ministère de l’Intérieur n’a eu d’impact positif. Ni la mise en place d’un matricule sur les uniformes des agents, ni l’instauration progressive des caméras-piétons n’ont permis de prévenir les abus ; ces mesures ne sont pas adaptées au phénomène des contrôles au faciès. En outre, ces dispositifs ne garantissent ni à un individu de connaître les motifs d’un contrôle, ni ne fournissent aux autorités ou à la justice des informations sur le recours aux prérogatives policières en matière de contrôle d’identité, de palpation de sécurité et de fouille. Les mesures d’exception autorisées par les prolongations successives de l’état d’urgence ont aggravé la situation.
Les pouvoirs publics français se sont également référés à l’arrêt de la Cour de cassation du 9 novembre 2016 disposant que les contrôles d’identités basés sur des caractéristiques physiques liées a une origine réelle ou supposée sont discriminatoires et engagent la responsabilité de l’Etat. Toutefois, il faut rappeler que les pouvoirs publics ont lutté pour que la Cour de cassation ne parvienne pas à de telles conclusions, et n’ont, à ce jour, pas entrepris de démarches législatives pour prévenir ces pratiques et protéger celles et ceux qui en sont victimes.
Comme cela fut évoqué lors de l’entrée de la France au Conseil des Droits de l’Homme, les organisations signataires, membres de la plateforme « Pour en finir avec le contrôle au faciès », encouragent le gouvernement français et les parlementaires à agir au plus vite, et à instaurer les réformes nécessaires à la limitation de ce phénomène, en s’inspirant des expériences menées avec succès dans plusieurs pays étrangers.
Ce travail législatif pourrait notamment se traduire par :
- Amender l’article 78-2 du Code de procédure pénale de façon à exiger le recours à des critères objectifs et individuels, liés à des actes criminels ou délictuels, pour motiver tout contrôle d’identité ;
- Encadrer juridiquement dans le Code de procédure pénale la pratique des palpations de sécurité, et les circonstances dans lesquelles celles-ci sont autorisées, en les restreignant aux cas où il existe des motifs raisonnables de soupçonner qu’un individu puisse être en possession d’objets pouvant présenter un risque pour la sécurité de l’agent ;
- Réformer le Code de procédure pénale de façon à prohiber explicitement le recours à tout critère discriminatoire, tel que l’appartenance raciale et l’origine ethnique ou sociale supposées, les croyances religieuses, les opinions politiques, la couleur de peau, le lieu de résidence, le genre, l’identité sexuelle, l’état de santé, ou autre, pour motiver des contrôles d’identité, des palpations de sécurité et des fouilles, ou toute autre action de la police ;
- Mettre en place des formulaires de contrôle pour conserver une trace écrite de l’ensemble des contrôles d’identité, palpations de sécurité et fouilles, et fournir un récépissé à toute personne contrôlée par un agent autorisé à effectuer ces contrôles. Inclure sur ces formulaires des informations relatives aux circonstances du contrôle, à son fondement juridique, à ses motifs et à son issue (amende, interpellation, vérification approfondie, avertissement...). Toute donnée conservée par les agents devrait être transmise à un organisme indépendant à des fins d’analyse.
Les organisations signataires appellent la France à mettre ses actes en conformité avec ses paroles. Sinon, elle recevra le même type de critiques lors de son prochain Examen périodique universel devant le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU en 2022.
- Contact média : Lanna Hollo 06 64 71 61 85
Signataires :
GISTI
Ligue des Droits de l’Homme
Maison pour un Développement Communautaire Solidaire
Open Society Justice Initiative
Pazapas
Syndicat des Avocats de France
Syndicat de la Magistrature
WesignIt